Suite de l’entretien avec Pierre Feillet, membre de l’Académie des technologies et de l’Académie d’agriculture. Son ouvrage « Quel futur pour notre alimentation ? » a été publié en 2014 aux éditions Qae.
D’une manière générale les protéines d’origine animale sont de meilleure qualité. Les protéines de soja sont de bonne qualité, mais moindre que les protéines animales. Les autres légumineuses fournissent des protéines de très bonne qualité avec la possibilité de jouer entre les variétés pour parvenir à un résultat équilibré. Les protéines céréalières manquent d’acides aminés comme la lysine et tryptophane.
Aussi, une personne qui ne consommerait que des protéines provenant de céréales mettrait sa vie en danger. Cela a été découvert de façon empirique à la fin du XIXe siècle, avec la pellagre.Cette maladie de peau était très présente chez les populations du nord de l’Italie qui consommaient de façon quasi-exclusive du maïs.
Mais, toujours de façon empirique, les civilisations ont appris à associer les aliments entre eux. Pour atteindre un très bon résultat nutritionnel : le couscous avec la fève, en Amérique latine on mélange le haricot avec le mais. Ces pratiques séculaires reviennent à mélanger 2 aliments qui pris de façon individuelle sont déséquilibrés, mais qui se complètent lorsqu’ils sont consommés ensemble.
Une autre piste de solution pour répondre à la demande à venir en protéines réside dans les insectes. Je ne pense pas que les insectes deviennent une source principale de nos protéines. Les humains vont en grignoter, mais ils ne seront pas significatifs dans notre alimentation de demain. A titre de comparaison, l’équivalent en protéines de 100g de poulet correspond à 50 grosses chenilles. Par contre, la voie prise par la société Ynsect est très intéressante. Il s’agit d’exploiter les insectes comme une source primaire de protéines pour l’alimentation animale, et plus particulièrement pour les volailles et le poisson.
Il s’agit là d’importants projets qui demandent de gros investissements et dont les enjeux sont larges : réglemention, sécurité sanitaire, rentabilité économique.. Est-ce que les insectes trouveront de quoi concurrencer les tourteaux de soja ?
Enfin, il y a la viande in-vitro. Pour moi, ce projet est mort né. D’ailleurs l’équipe qui avait travaillé sur ce projet n’avait aucune compétence en alimentation. Ils sont parvenus à faire un buzz formidable, mais la viande artificielle n’a rien à voir avec de la viande de bœuf, certes on y retrouve des protéines, mais il manque tout le reste. Le marché évolue sous la double pression de l’environnement et des consommateurs. Cela ne révolutionnera par le marché, mais il changera tout de même.