Depuis la fin des années 2000, certaines pratiques considérées comme douloureuses pour les animaux d’élevage sont pointées du doigt. La pression de la société et des associations de défense du bien-être animal a entrainé de nombreuses réflexions au sein des filières animales pour mettre en place des pratiques plus vertueuses en termes de bien-être animal.
En France, la castration chirurgicale des porcelets mâles est réalisée par la grande majorité des éleveurs. En effet, lors de la maturité sexuelle, la fonction testiculaire entraîne la production d’une phéromone, l’androsténone, qui est stockée dans les graisses et les glandes salivaires. Un deuxième composé, le scatol, produit dans le gros intestin par la dégradation d’un acide aminé (le tryptophane), est également stocké dans les graisses.
Ces deux composés majeurs sont responsables de l’odeur de verrat, perceptibles par le consommateur principalement lorsque les produits sont chauds (lors de la cuisson et dégustation).
La castration physique des porcelets mâles a donc pour objectif d’éviter la production de ces substances odorantes et désagréables.
Face à ce constat et aux enjeux du bien-être, l’Association Régionale Interprofessionnelle Porcine (ARIP) de Bretagne a décidé de privilégier l’option « élevage de mâles entiers » et a coordonné de 2010 à 2016 deux projets de Recherche et Développement : DROSME (Détection Rapide Odeurs Sexuelles Mâle Entier / 2010-2013) et ACIDROS (Application en Conditions Industrielles Détection Rapide Odeurs Sexuelles / 2014-2016) visant à identifier une technique de détection des odeurs de porcs mâle entier sur la chaîne d’abattage.
Pour ces projets, l’ARIP s’est entourée des meilleurs experts : INRA, IFIP, ONIRIS-LABERCA, UNIPORC-OUEST, UNISENSOR, CER groupe et CIP Automation.
Quel est son caractère innovant et quelles sont les retombées attendues ?
DROSME a été un succès en termes de recherche fondamentale et sur l’identification d’une technique de détection simple, rapide et fiable. Quant à ACIDROS, le projet a mis en évidence toute la complexité de la mise en œuvre industrielle (substrat, performance, traçabilité) au sein de l’abattoir.
A ce stade, les résultats ne présentent pas les performances optimales pour proposer aux abatteurs d’opter pour cette méthode.
Toutefois, ces projets ont permis d’acquérir des connaissances nouvelles pour :
– Améliorer la sélection des animaux sur leur teneur en scatol. Une application en génétique pourrait être étudiée et reste à tester,
– Identifier de nouvelles méthodes d’analyse pour caractériser les odeurs de mâle entier,
– Identifier une technique innovante de traçabilité du sang à l’abattoir
Où en êtes-vous aujourd’hui ?
La complexité technique que nous avons rencontrée dans le projet ACIDROS est partagée par les autres bassins de production porcine en Europe qui ne disposent pas, non plus à ce jour, de méthode instrumentale opérationnelle à l’échelle industrielle.
Forte de ces années de R&D, la profession porcine a toute la légitimité pour participer activement à une action européenne d’envergure, comme le programme COST IPEMA (Innovative approaches in Pork production with Entire Males / 2016-2020), visant à faciliter le développement des alternatives à la castration chirurgicale.
Les représentants des éleveurs demandent, dans l’idéal de manière collégiale avec les associations de défense du bien-être animal, aux pouvoirs publics de continuer à mobiliser des moyens conséquents pour financer la R&D afin de trouver une solution fiable et pérenne.
Vous vous êtes engagés dans ce projet d’innovation collaboratif avec plusieurs partenaires : innover en mode collaboratif, cela représente quoi pour vous ?
Ces deux projets ont été menés en mode collaboratif. Ils ont permis de partager les compétences de chacun, de resserrer des liens déjà existants avec les partenaires habituels de la filière et d’en créer de nouveaux, importants pour les projets à venir.
Réunir des partenaires de divers horizons (recherche, industries …) autour d’un même projet nous a conduit à développer un langage commun, une vraie collaboration, une recherche des ressources les mieux adaptées dans chaque corps de métier, pour mener à terme les deux projets.
Crédit photo : Uniporc Ouest