Riche en lipides laitiers fonctionnels aux effets potentiellement bénéfiques pour la santé humaine, le babeurre, aussi appelé « lait de baratte » et issu de la fabrication du beurre, est pourtant peu valorisé.
Les scientifiques du projet ANR VALOBAB ont mis au point un procédé de concentration du babeurre pour produire un ingrédient enrichi en lipides particuliers appelés « lipides polaires laitiers ». Cet ingrédient peut être utilisé comme ingrédient d’origine naturelle en substitut d’additifs dans des produits laitiers tels que les crèmes, les fromages à tartiner, les beurres allégés, etc. Ils ont également évalué les effets métaboliques de ces lipides.
Les chercheurs ont ainsi récemment montré que leur consommation dans un fromage à tartiner enrichi, à des concentrations en lipides polaires laitiers supérieures à celles que l’on trouve naturellement dans les produits laitiers classiques (>30 fois plus que dans un verre de lait entier, >15 fois plus que dans 10 cl de crème), pourrait contribuer à réduire le risque cardiovasculaire chez les femmes ménopausées en surpoids, une population à risque, en réduisant leur taux sanguin de cholestérol LDL, de triglycérides et d’autres marqueurs pertinents du risque cardiovasculaire.
Le babeurre, co-produit de l’industrie beurrière ayant actuellement une faible valeur ajoutée en nutrition humaine, est une source majeure de lipides polaires du lait.
Le projet avait pour objectif d’étudier les bénéfices de fractions riches en lipides polaires laitiers dérivées du babeurre en considérant à la fois (i) les propriétés fonctionnelles dans différents produits alimentaires formulés pour diminuer les taux d’acides gras et/ou l’utilisation d’autres sources de lipides polaires tout en apportant des propriétés sensorielles appréciées par les consommateurs, et (ii) les propriétés nutritionnelles des lipides polaires laitiers notamment l’impact sur le métabolisme des lipides (réduction de l’absorption du cholestérol et des taux d’acides gras) mais aussi la réponse inflammatoire, dans le but de prévenir l’apparition des maladies métaboliques d’origine nutritionnelle.
Le projet VALOBAB devait également permettre à l’industrie laitière d’apporter de la valeur ajoutée au babeurre en prenant en considération ses spécificités structurales, biochimiques et nutritionnelles et sa capacité à être transformé d’une manière durable.
Les produits laitiers sont riches en une variété de lipides : les triglycérides mais également les lipides polaires, des lipides particuliers qui stabilisent naturellement les gouttelettes de matière grasse et que l’on retrouve en particulier dans la crème et dans le babeurre. Les lipides polaires ont un rôle physiologique crucial car ils sont des constituants essentiels des membranes cellulaires. Des expériences préalables menées sur des animaux avaient montré les effets bénéfiques des lipides polaires laitiers sur le métabolisme du foie et la régulation du taux de cholestérol sanguin. Néanmoins, jusqu’à présent, de tels effets n’avaient encore jamais été démontrés chez des volontaires humains à risque cardiovasculaire.
Les scientifiques ont voulu connaître les effets des lipides polaires laitiers sur le profil de risque cardiovasculaire de femmes ménopausées en surpoids, une population particulièrement vulnérable pour le risque coronaire. Pour cela, ils ont fait consommer quotidiennement à 58 volontaires des fromages à tartiner plus ou moins enrichis en lipides polaires laitiers, venant s’intégrer dans leur alimentation habituelle. Après un mois de consommation de produits enrichis en lipides polaires laitiers grâce à un concentré de babeurre (coproduit issu de la fabrication du beurre), l’équipe a observé une réduction significative des taux de cholestérol LDL, de triglycérides et d’autres indicateurs importants de perturbations métaboliques. Les lipides polaires laitiers ont ainsi amélioré le profil de santé cardiovasculaire des femmes ménopausées. Les scientifiques ont ensuite cherché à mettre en lumière le mécanisme à l’origine de cet effet. Leurs travaux complémentaires suggèrent que certains des lipides polaires laitiers et le cholestérol (aussi bien d’origine alimentaire qu’endogène) formeraient dans l’intestin grêle un complexe qui ne peut pas être absorbé par l’intestin, et qui est finalement excrété dans les selles. Ces résultats pourraient être à la base de nouvelles stratégies nutritionnelles pour diminuer des facteurs de risque cardiovasculaire chez certaines populations exposées.
Des résultats encourageants qui démontrent une nouvelle fois la richesse de la matière grasse laitière, une source spécifique de lipides bioactifs (Bourlieu et al. Food Chem 2018) offrant donc des intérêts nutritionnels donc mais aussi fonctionnels (émulsifiants). Pour évaluer leur intérêt fonctionnel dans les aliments, des tests de capacités moussantes et d’émulsification ont notamment été menés à travers différents produits. Les ingrédients obtenus ont démontré d’excellentes capacités émulsifiantes (Lopez et al. 2017). De plus, les chercheurs ont validé leur capacité d’utilisation dans du beurre allégé, avec de meilleures performances qu’avec l’émulsifiant classique à base de mono- et diglycérides d’acides gras (Revue Laitière Française, 2017), et des fromages à tartiner.
Une approche multidisciplinaire dans l’optique d’une valorisation large. Le projet, grâce à l’association de 7 partenaires aux compétences complémentaires, repose sur les 3 piliers du développement durable (environnement, société et économie). En effet, le format collaboratif a permis d’associer pour atteindre ses objectifs différentes disciplines scientifiques : génie des procédés appliqués à l’industrie laitière, sciences des aliments et physico-chimie, analyse sensorielle, métabolisme et nutrition, microbiologie.
Pour en savoir plus :
https://anr.fr/fr/actualites-de-lanr/details/news/vers-une-meilleure-valorisation-du-babeurre-source-de-lipides-laitiers-dinteret-majeur-pour-la-nut/
Marie-Caroline Michalski - UNITE CARMEN
Directrice de Recherche
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