Apporter quotidiennement 60g de protéines à chaque habitant de la planète

26 octobre 2015
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Pierre Feillet est ingénieur agronome, docteur et directeur de recherche émérite à l’INRA. Il a récemment publié « Quel futur pour notre alimentation? » en  avril 2014 et il est l’auteur d’une note d’analyse prospective « Les protéines de l’avenir » pour Futuribles International.

Quel sont les enjeux pour la planète sur les protéines ?

C’est relativement simple, la population mondiale augmente et il faut parvenir à apporter 60g de protéines quotidiennement à chaque habitant. Cependant l’approche quantitative reste insuffisante. Il faut intégrer dans l’analyse l’ensemble des composantes de l’alimentation :

  • L’aliment est un composant biologique qui apporte des protéines et des nutriments. Ces composants doivent être propres à la consommation ne doivent pas provoquer d’allergie ou d’intolérance, comme cela peut être le cas avec l’arachide ou le gluten.
  • Il faut aussi tenir compte de la composante culturelle. Nous mangeons en fonction de notre culture, de notre âge, de notre éducation, de notre religion.
  • Il y a ensuite la composante économique. Quel prix pour accéder à des protéines ? Cette question est prégnante pour l’alimentation animale.
  • Enfin, il y a la composante citoyenne qui revient à se poser la question de la mise en danger d’autrui. Est-ce que les protéines que j’ingère nécessitent trop d’eau ou produisent trop de gaz à effet de serre ? Est-ce que les ressources nécessaires à la production de mes protéines ont une emprise au sol trop importante…

Il faut donc fractionner la question des protéines autour de ces 4 composantes : biologique, culturelle, économique et sociétale.

Il est important d’apporter à l’organisme suffisamment de protéines de bonne qualité, car toutes ne sont pas équivalentes en acides aminés indispensables et en digestibilité. Ainsi, les protéines de blé sont de qualité inférieure aux protéines de lait ou de boeuf. Selon la composante 1 (biologique), il faut aussi prendre en comte le fait que manger du boeuf permet d’assimiler du fer, et que les protéines végétales sont associées à des phyto-nutriments et des minéraux. Si, pour le biochimiste la qualité de la protéine se juge selon sa composition en acides aminés, pour le nutritionniste, elle se juge en fonction de l’aliment dans son ensemble, voire même du plat.

Quelles sont les meilleures réponses aux problèmes alimentaires actuels ?

Pour apporter une réponse, il faut distinguer les sources primaires des sources secondaires de protéines. Les sources primaires sont essentiellement les cultures de céréales (maïs, blé, riz). La majorité des ces sources primaires est fléchée vers l’alimentation animale. Le soja est une source primaire qui sert quasi exclusivement pour l’alimentation animale, notamment car la protéine de soja n’est pas assimilable directement par l’être humain. C’est-à-dire qu’une transformation est nécessaire. On trouve aussi parmi les sources primaires, les produits issus de la pêche, mais ils représentent un très faible volume par rapport aux céréales. Les pâturages sont une autre source primaire de protéines mais non consommable directement par l’homme. Les sources secondaires de protéines proviennent des élevages.

On dit parfois qu’il faut réduire la consommation de protéines animales au profit des protéines végétales. Mais en l’état, sans les bovins, les protéines des herbages ne seraient pas consommées. Les ruminants permettent donc de valoriser des protéines disponibles naturellement.

Sur cette base, nous pouvons donc commencer à esquisser des hypothèses de réponses :

  • Parmi les réponses possibles aux défis des protéines, il y a l’amélioration de la productivité des sources primaires de protéines, comme le rendement, mais aussi l’occupation du sol, la consommation en eau et en produits phytosanitaires.
  • D’un point de vue organisationnel, une autre piste serait de réserver les pâturages pour l’alimentation des bovins et des ovins, mais d’orienter les protéines céréalières vers l’alimentation humaine.

Selon la FAO, la consommation de viande au niveau mondial va aller en progressant. Les scientifiques doivent donc trouver des solutions pour produire des protéines bovines qui auraient un meilleur rendement écologique, notamment en ce qui concerne les dégagements de méthane. Les viandes blanches sont appelées à se développer d’avantage. Elles disposent d’un bilan environnemental plus satisfaisant car les rendements sont meilleurs pour l’élevage de poulet, d’autant que, qualitativement, les protéines de bovins et d’ovins se valent.

En Europe par contre, la consommation de viande est déjà à la baisse et va continuer d’aller dans ce sens. L’Europe, et l’ensemble des pays riches mangent trop de viande alors que le reste du monde n’en consomme pas assez. Il faut donc procéder à un rééquilibrage et cela à tous points de vue : environnemental, nutritionnel, santé, citoyen.