« Le retour des légumineuses à graines dans nos assiettes une solution réaliste à court terme »

19 octobre 2015
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Céline le Stunff est ingénieure agro de l’Agrocampus de Rennes et ingénieure en santé-environnement de l’EHESP. Céline contribue au développement de services et produits innovants autour de la nutrition et des allergies alimentaires.

Après plusieurs missions au sein de l’Anses (étiquetage des allergène, maîtrise du risque en industrie, allergénicité des OGM), elle est journaliste spécialisée dans les tendances de l’innovation alimentaire sur les marchés de l’épicerie. Depuis 2007, Céline est consultante en nutrition et réglementation chez LRBEVA NUTRITION. Elle anime le groupe de travail Protéines du Futur pour le pole de compétitivité Valorial.

Pour Céline le Stunff, la population européenne fait face à une surconsommation de protéines d’origine animale, dont le coût de revient est trop élevé pour la planète. Nos habitudes de consommation doivent évoluer pour intégrer davantage de protéines végétales.

 

En quoi les protéines méritent-elles un colloque ?

Les protéines sont un enjeu alimentaire majeur pour demain. Aujourd’hui, en France, l’essentiel des apports protéiques de notre alimentation est d’origine animale : viande, lait, oeufs. Cette prédominance s”est faite au détriment des protéines végétales.

Le modèle alimentaire occidental n’est pas viable à l”échelle de l’humanité. Il consomme trop de ressources et il n’est pas envisageable que les 9 milliards d”habitants de notre planète estimés pour 2050, adoptent les mêmes modes de consommation. D’autant que, sur le plan nutritionnel, notre consommation actuelle de viande n’est pas justifiée. L’homme est omnivore, la viande a tout-à-fait sa place dans une alimentation diversifiée, elle apporte des protéines de haute qualité. Mais on pourrait en consommer moins sans préjudice pour notre santé car l’apport de sources protéiques végétales combinées entre elles (les associations traditionnelles de céréales et légumineuses) permet également d’obtenir un bon apport en protéines. Cela laisse entrevoir d’importantes voies d’innovation pour les IAA.

Par ailleurs, la consommation de viande s’accroit dans de nombreux pays à travers le monde : Chine, Brésil… Ces pays qui voient leur population augmenter rapidement, voient aussi leurs besoins en protéines augmenter. La production et l’importation de viande sera l’une des réponses, mais ne pourra pas être la seule réponse.

La société LRBEVA NUTRITION travaille sur les protéines depuis sa création en 1987, elles sont au cœur de la formulation des produits d’alimentation particulière : aliments destinés aux nourrissons, à la perte de poids, pour les sportifs, pour la dénutrition, etc. En fonction de leur cible, ces produits spécifiques doivent apporter la juste dose de protéines, avec une haute qualité nutritionnelle, tout en maintenant un coût compétitif et un goût acceptable. Il existe un large éventail de matières premières d’ores et déjà disponibles. Nous formulons ces produits en tenant compte de l”ensemble des paramètres et nous choisissons en conséquence les sources adéquates de protéines.

 

Quel crédit accorder à tous les nouveaux produits à base d’algues, d’insectes… ?

Ces ressources protéiques sont intéressantes et il faut poursuivre les recherches les concernant, on ne doit négliger aucune option. Mais le retour des légumineuses à graines dans nos assiettes semblerait être une réponse plus réaliste sur le court terme. A l’origine, celles-ci étaient majoritairement cultivées en tant que source de protéines pour l’alimentation humaine. Avec l’évolution des régimes alimentaires incorporant de plus en plus de produits carnés et de céréales, leur consommation en France a chuté de 7.3 à 1.4 kg par personne et par an entre 1950 et 1985. Du fait de l’absence de soutien politique et économique accordé à cette filière, cette production est devenue confidentielle en France, avec des surfaces cultivées inférieures à 15 000 ha.

La FAO a proclamé 2016 année internationale des légumineuses. Celle-ci vise à sensibiliser l’opinion publique aux avantages nutritionnels des légumineuses dans le cadre d’une production vivrière durable, à l’appui de la sécurité alimentaire et nutritionnelle. Cette célébration favorisera des rapprochements dans toute la chaîne de production de manière à mieux exploiter les protéines issues des légumineuses, à renforcer la production à l’échelle mondiale, à tirer un meilleur parti de la rotation de cultures et à trouver des solutions aux problèmes qui se posent sur le plan commercial. 

et les insectes ?

 Bien que courante dans de nombreux pays du monde, La consommation d”insectes est interdite eu Europe. Ils sont définis comme de «nouveaux aliments», car non consommés de manière significative avant 1997 dans un Etat membre. Il est néanmoins toujours possible d”en trouver (notamment sur internet), mais le prix au kilo est très élevé et la provenance pas toujours claire…

Les insectes étant très riches en protéines, ils sont présentés par la FAO comme une solution possible pour répondre aux besoins alimentaires de demains en protéines. En France il n”existe aucune filières structurée existante, on part de presque zéro. Produire des insectes d’élevagesen Europe avec une certaine traçabilité et le respect de la législation demande d’importants investissements. Ce marché est sans doute plus intéressant en dehors de l’Europe, où l’acceptation sociale des insectes dans l’assiette est meilleure.

Quant aux algues, il faut distinguer les macroalgues des microalgues. Les macroalgues ne sont pas du tout valorisées aujourd’hui pour leurs apports protéiques (les protéines sont « difficiles d’accès » en présence de polysaccharides), les micro algues comme la spiruline sont en revanche utilisés depuis longtemps pour leur apport en protéines et oligoéléments. Certains industriels comme Roquette ont d’ailleurs investi récemment dans des  outils de production dédiés.