La fabrication de simili-viande est une industrie à 5 milliards de $

29 octobre 2015
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Suite de l’entretien avec Pierre Feillet, membre de l’Académie des technologies et de l’Académie d’agriculture. Son ouvrage « Quel futur pour notre alimentation ? » a été publié en 2014 aux éditions Qae.

Certaines protéines sont-elles meilleures que d’autres ?

D’une manière générale les protéines d’origine animale sont de meilleure qualité. Les protéines de soja sont de bonne qualité, mais moindre que les protéines animales. Les autres légumineuses fournissent des protéines de très bonne qualité avec la possibilité de jouer entre les variétés pour parvenir à un résultat équilibré. Les protéines céréalières manquent d’acides aminés comme la lysine et tryptophane.

 

Aussi, une personne qui ne consommerait que des protéines provenant de céréales mettrait sa vie en danger. Cela a été découvert de façon empirique à la fin du XIXe siècle, avec la pellagre.Cette maladie de peau était très présente chez les populations du nord de l’Italie qui consommaient de façon quasi-exclusive du maïs.

 

Mais, toujours de façon empirique, les civilisations ont appris à associer les aliments entre eux. Pour atteindre un très bon résultat nutritionnel : le couscous avec la fève, en Amérique latine on mélange le haricot avec le mais. Ces pratiques séculaires reviennent à mélanger 2 aliments qui pris de façon individuelle sont déséquilibrés, mais qui se complètent lorsqu’ils sont consommés ensemble.

 

En quoi, ces changements peuvent constituer des opportunités pour l’industrie agro-alimentaire ?

  • Le marché qui s’ouvre correspond à la demande des consommateurs. En France on observe une pression des consommateurs pour manger plus de végétal, tout en consommant des produits qui ressemblent à de la viande et qui prennent sa place dans le repas, dans les modes de cuisson… C’est ainsi que la fabrication de simili-viande à partir de protéines végétales issues du soja est devenue une véritable industrie aux Etats-Unis pour un montant de 5 milliards de $. Ce marché date des années 70 aux Etats-Unis, il est très stable et pourrait fortement se développer pour répondre à la pression des consommateurs européens vers le naturel, le bio et la protection de l’animal.
    En France, la Société Roquette, investit dans la protéine de pois pour fabriquer des produits intermédiaires servant de base à la production de simili-viande.
    Le marché de l’ingrédient est aussi très porteur pour les protéines. La recherche permet aujourd’hui de reproduire avec des protéines la texture et l’onctuosité habituellement apportées par le gras.
  • D’autres pistes existent avec les protéines issues des micro-organismes. Par exemple dans les années 70, il y a eu une grande tentative pour produire des protéines de levures extraites du pétrole. Le choc pétrolier à rendu l’opération non-économique.
  • Il existe le QUORN, qui est une mycoprotéine fabriquée par une société britannique à partir de champignon. Cette entreprise vient d’être rachetée par un groupe indonésien afin de produire des protéines blanches, c’est-à-dire des protéines sans odeur ni saveur, idéales pour la fabrication de simili-viande. Même si les volumes de consommation de simili-viande sont encore très marginaux par rapport à la consommation de viande, il existe de réelles opportunités pour les industriels.

 

Une autre piste de solution pour répondre à la demande à venir en protéines réside dans les insectes. Je ne pense pas que les insectes deviennent une source principale de nos protéines. Les humains vont en grignoter, mais ils ne seront pas significatifs dans notre alimentation de demain. A titre de comparaison, l’équivalent en protéines de 100g de poulet correspond à 50 grosses chenilles. Par contre, la voie prise par la société Ynsect est très intéressante. Il s’agit d’exploiter les insectes comme une source primaire de protéines pour l’alimentation animale, et plus particulièrement pour les volailles et le poisson.

Il s’agit là d’importants projets qui demandent de gros investissements et dont les enjeux sont larges : réglemention, sécurité sanitaire, rentabilité économique.. Est-ce que les insectes trouveront de quoi concurrencer les tourteaux de soja ?

 

La viande-in vitro est un projet mort-né

 

Enfin, il y a la viande in-vitro. Pour moi, ce projet est mort né. D’ailleurs l’équipe qui avait travaillé sur ce projet n’avait aucune compétence en alimentation. Ils sont parvenus à faire un buzz formidable, mais la viande artificielle n’a rien à voir avec de la viande de bœuf, certes on y retrouve des protéines, mais il manque tout le reste. Le marché évolue sous la double pression de l’environnement et des consommateurs. Cela ne révolutionnera par le marché, mais il changera tout de même.